LA SALLE D'ARME

1 Pourquoi une salle d’arme à cet endroit?

Quand les d’Angennes s’installent aux Moulineaux au 16ème, l'escrime tient une place importante dans l'éducation de la noblesse. Elle fait partie, avec l'équitation, des disciplines permettant de fortifier le corps et développer les réflexes et, à l'instar de la chasse, de se préparer à la guerre.

Le besoin de transformer la nef en salle d’arme à partir de 1576 coïncide également avec l’apparition des duels. Les raisons à cela sont liées à l’héritage culturel et individualiste. Pour Buckle, le duel est un développement de la chevalerie. Il faut ajouter un sens aigu de l'honneur, une susceptibilité et une pugnacité qui distinguent la race française. Montaigne écrivait sur ce sujet: « Mettez trois Français ensemble dans les plaines de Libye, et ils ne resteront pas un mois en compagnie sans s'arracher les yeux les uns les autres ». Le troisième chapitre du traité d'Audiguier sur l’Ancien usage des duels est intitulé : « Pourquoi les seuls Français se battent en duel ». Herbert de Cherbury, ambassadeur anglais à la cour de Louis XIII disait : « Il y a peu de Français dignes d'intérêt qui n'aient tué leur homme au cours d'un duel ». Hallan attribue cette prédilection à la coutume du port d'armes comme partie de la tenue vestimentaire, une mode introduite à la fin du xve siècle.

 

DUEL A LA RAPIERE AU XVI ème SIECLE

Dueliste

Que s’est-il passé le 27 avril 1578 à Paris au moment de la transformation de la nef en salle d’arme aux Moulineaux?

Le duel des Mignons est un affrontement opposant plusieurs mignons du roi Henri III : Guy d’Arces, seigneur de Livarot, et Louis de Maugiron, témoins de Jacques de Caylus, à François de Ribérac et Georges de Schomberg, témoins de Charles de Balsac d'Entragues, surnommé « le bel Entraguet ». Il eut lieu le dimanche 27 avril 1578, avant l'aube au marché aux chevaux des Tournelles à Paris.

Cet événement étonna les contemporains par sa violence et par le fait que plusieurs des favoris proches du roi y trouvèrent la mort. Maugiron et Schomberg succombèrent pendant le combat. Ribérac mourut de ses blessures, le lendemain à midi, et Caylus, blessé dix-neuf fois, agonisa pendant trente-trois jours avant d’expirer, le 29 mai. Quant aux deux autres, Livarot fut hospitalisé six semaines pour une blessure à la tête, mais Entraguet, avec qui tout avait commencé, n’eut à déplorer qu’une estafilade au bras.

 

CaylusEntragues

             Jacques de Caylus                                              Charles de Balsac d'Entragues      

DUEL DES MIGNONS A LA PORTE SAINT ANTOINE 

Mignons

Avec quelles  armes on s’entraîne à l’époque?

On s’entraîne avec la rapière, une épée légère qu’on porte sur soi en permanence.

La rapière apparaît en Espagne vers 1470. Son nom est un dérivé de l'espagnol espada ropera, c'est-à-dire "épée que l'on porte avec ses vêtements" : plus simplement, il s'agit de la première épée de ville. Son apparition est similaire à un besoin général de porter sur soi en permanence une arme pour se défendre dans un début de xve siècle dangereux : les meurtres politiques (par exemple l'assassinat de Louis d'Orléans en France), les guerres civiles (Armagnacs et Bourguignons en Franceguerre des Deux-Roses en Angleterre, luttes intestines à FlorenceGênes et Milan pour l'Italie, etc.). Les temps sont troubles, l'Occident entre dans la phase de transition qui va l'amener un siècle plus tard vers la Renaissance. Ce phénomène engendre la formation un peu partout, de façon sporadique, l'allègement de certaines épées, la création de longs poignards, etc. qui peuvent se dissimuler dans les vêtements ou du moins être portés sans grande gêne. Durant le xve siècle, la rapière, dont l'usage se répand en Méditerranée, est notamment exportée en Italie. Les maîtres italiens connaissent l'arme mais pas son maniement : ils réinventent complètement, de leur côté, la façon d'utiliser la rapière selon l'essai de Camille Agrippa. Elle s'allonge (1,10 m), sa pointe s'affine et sa lame s'étrécit. Arme polyvalente, elle permet avec autant d'aisance de porter des coups d'estoc et de taille.

La rapière, en fait, répond à l'apparition des armes à feu. Ces dernières ayant provoqué la disparition progressive des armures, qui ne peuvent les contrer, les armes blanches peuvent aussi s'affiner et préférer la finesse et la rapidité à la force brutale. Son usage se répand progressivement dans toute l'Europe de l'Ouest : dans les années 1490-1500, elle arrive en France à la suite des guerres d'Italie qui ont également amené la Renaissance dans ce même pays.

 

GARDE DE RAPIERE

Garde espare

A quoi a servi cette salle d’arme?

A entrainer régulièrement les 5 générations d’Angennes, formés probablement avec de très bons maîtres d’armes à qui Jacques du la vie sauve le 16 septembre 1608.

Un document sur parchemin, daté de 1609, signé Henri IV, scellé,  nous apprend que Jacques d’Angennes, s’était vu confier une mission délicate par le roi Henri IV en 1608. Il devait accompagner en Bretagne César de Bourbon  Vendôme, fils naturel du roi et de Gabrielle d’Estrées qu’il avait légitimé. A Montoire, un combat l’opposa à Jean-Louis de Bréhan, seigneur de la Roche, écuyer ordinaire du roi. Après interrogatoire et procès-verbal fait par le juge ordinaire du Marquisat de Sablé, le 17 septembre 1608, à la suite du décès du sire de la Roche, des lettres de rémission, accordées par le roi, avaient été obtenues de Jacques d’Angennes et le 7 avril 1609, l’arrêt royal était entériné : « Henri, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, a reçu la supplication de Monsieur de Poigny sorti avec notre permission, pour accompagner notre fils naturel et légitimé en son voyage avec plusieurs gentilshommes. Dans sa rencontre avec le sieur de la Roche à Montoire, au Jeu de Paume, une dispute s’était élevée avec un échange de coups de poings. La Roche, ayant mis la main à son épée, Jacques d’Angennes prit la sienne, mais, séparés, ils furent menés devant Monsieur de Vendôme pour se réconcilier, et, de là, à Sablé, où reprise par La Roche, de la dispute et duel ». La Roche, blessé, reconnut être l’agresseur, donc il n’y eut pas de poursuites, mais, le lendemain, il décédait. Henri IV accorde donc « grâce entière à d’Angennes, moyennant aumône, sans réparation ni dépens, celui-ci s’était constitué volontairement prisonnier à la Conciergerie. »

CESAR DE BOURBON VENDOME

Cesar vendome

Exemple  de transformation de nef, la salle d’arme de  Pont de l’Arche.

Du XIIIème, il reste de magnifiques arcs doubleaux chanfreinés en plein cintre qui décorent la voute 

Pont de larche

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