Le nymphée

L’historien local et érudit Louis Morize, qui a observé avec précision et (magnifiquement) dessiné ce pavillon il y a 150 ans, nous en donne une description détaillée avant que le délabrement et la dégradation aient fait leur œuvre : « Ce pavillon qui mesure à l’intérieur 7 mètres sur 5 m. 25 c. présente des assises régulièrement alternées de grès et de briques. On y pénètre par une porte percée après coup du côté du fossé. On se trouve dans une pièce elliptique revêtue et voûtée de briques. Dans le pourtour sont pratiquées deux grandes niches et six petites. L’une des grandes niches pouvait recevoir une baignoire et dans l’autre s’ouvrait une porte du côté du château. (...)

La voûte s’élève à 4 mètres au-dessus du sol. Comme les murs, elle n’a jamais moins d’un mètre d’épaisseur. On remarque au milieu une ouverture légèrement conique qui servait sans doute à laisser échapper les vapeurs humides de l’étuve. »

Historiquement, l’usage des thermes vient d’Italie  qu’on  trouve à Pompéi. Nos ancêtres les Gaulois, réfractaires à l’hygiène, ont mis plus de temps que les Romains. Il faut attendre le Moyen Age pour trouver des étuves, en particulier en Bretagne, et dans le palais des papes d’Avignon.

À la Renaissance, le règne de François 1er a entrainé une évolution importée d’Italie. En témoignent l’appartement des bains réalisé au château de Fontainebleau entre 1534 et 1538 ainsi que celui du connétable Anne de Montmorency à Ecouen (vers 1545-1550).  Nous pouvons aussi citer l’étuve du château du cardinal Charles de Lorraine à Dampierre, détruit au XVIIème siècle. Toutes ces pièces étaient très probablement richement décorées de peintures et de sculptures.

L’un des spécialistes reconnus de l’histoire de France au XVIème siècle, Thierry Crépin-Leblond, nous indique qu’à la suite de François 1er, ce type d’équipement a été fortement encouragé par Henri II et Henri III. Il considère également que ces installations, au-delà de l’influence de l’Antiquité, correspondent à un rite social de cour avec « une volonté bien française de mettre en valeur le bain collectif comme lieu d’exaltation des sens par l’eau, la nourriture, la musique et la poésie » plutôt qu’à une habitude d’hygiène.

Les premiers nymphées apparaissent à Rome au début du XVIe. Ils sont créés à partir d’un dénivellement, naturel ou non, excavé afin de créer une grotte comportant une ou plusieurs salles. Celui de Gerbevillier date de 1620[1]. L’emplacement du nymphée dans l’ordonnancement du jardin avait souvent valeur de symbole. Une disposition fréquente le place en limite de parterres fleuris, délimités de buis, ornés de sculptures. Le contraste obtenu a pour objet d’évoquer les états successifs de la nature : celui hostile des temps primitifs puis bienveillant à l’âge d’or. La représentation des divinités de la terre et de l’eau dans le décor du nymphée, à la césure de ces deux univers, évoque leur rôle dans cette évolution.

Même s’il est, sans doute, plus modeste et certainement plus tardif, l’édifice des Moulineaux témoigne de l’engouement pour ce type d’architecture en vogue dans la noblesse proche du roi. Rappelons que deux des frères de Jean d’Angennes ont été ambassadeurs auprès du pape à ce moment et que leur domaine a été érigé en marquisat.

Ainsi le site des Moulineaux, témoin dans notre village de plus de 10 siècles d’histoire de France, abrite un rare et bel exemple de ce rituel social et esthétique du bain au XVIème dont nous souhaitons qu’il puisse être restauré et offert à la vue du public.

 

[1] https://www.chateau-gerbeviller.com/documents/ArticlePaysLorrain.pdf

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