Histoire des Capétiens entre 1030 et 1180

LE ROYAUME CAPETIEN EN 1030 ET LES FIEFS VOISINS

Le pouvoir royal en 1030

Le règne des premiers Capétiens est marqué par la faiblesse du pouvoir royal face aux grands seigneurs à la tête de principautés. Le premier capétien, Hugues Capet n'intervient jamais au sud du royaume. Son autorité est limitée au domaine royal, les biens matériels et les vassaux directs sur lesquels il exerce un pouvoir direct. Les premiers Capétiens ne possèdent qu'un domaine peu étendu, réduit pour l'essentiel à une zone entre Beauvais et Orléans, vestige du duché de France de Robert le Fort. Par une politique habile de la plupart d'entre eux, ils assureront la croissance du domaine royal notamment par le fait qu'ils parviendront à rendre héréditaire leur lignage en faisant élire et sacrer leurs fils de leur vivant.
 

L'histoire chaotique du royaume capétien entre 1025 et la fondation  des Moulineaux vers 1140.

Troisième roi de la dynastie dite des Capétiens directs, Henri 1er est le deuxième fils de Robert le Pieux et de Constance d'Arles. Il devient héritier de la couronne à la mort de son frère aîné Hugues, en 1025.

Il obtient en 1016 le titre de duc de Bourgogne, à la suite d'un combat mené par son père pendant plus de 10 ans pour le contrôle de cette région.

                                                                                  

                                                                                   Henri Ier représenté dans une enluminure du xive siècle.

Sacré roi du vivant de son père le 14 mai 1027 à Reims, il lui succède en 1031 mais doit faire face à l'hostilité de sa mère et des grands vassaux qui veulent élire au trône son frère cadet Robert. Henri Ier obtient l'appui de l'empereur romain germanique Conrad II et surtout celui du duc de Normandie Robert le Magnifique, mais pour obtenir la paix, il doit céder à son frère le duché de Bourgogne en apanage. Le comte Eudes II de Blois ne se soumet pas pour autant, et soutient Eudes (v. 1013-v. 1057/1059), autre frère d'Henri Ier ; vaincu, il est assigné à résidence à Orléans.

À la suite du départ en 1035 pour la Terre sainte de Robert le Magnifique, Henri Ier devient le tuteur de son fils, le futur Guillaume II, duc de Normandie. Quand la nouvelle de la mort de Robert lui parvient, il soutient le jeune duc contre les seigneurs de Normandie qui lui sont hostiles – bien que, vers 1040, Henri s'empare de la place frontière de Tillières-sur-Avre et l'incendie. Ensemble, ils les combattent et les défont à la bataille du Val-ès-Dunes en 1047. En 1050 ou 1051, Guillaume épouse Mathilde de Flandre, une nièce d'Henri. La montée en puissance du duc inquiète le roi de France, qui se brouille avec Guillaume II. Ce dernier le vainc à la bataille de Mortemer en 1054, puis, trois ans plus tard, à la bataille de Varaville.

Le règne de ce roi batailleur et querelleur est une longue suite de luttes féodales, dont le but était d'accroître l'autorité royale. Il perd la Bourgogne, donnée en apanage, et ne gagne que le Sénonais, dont la petite ville de Saint-Julien-du-Sault, où les rois de France possédaient droit de gîte. C'est durant cette période difficile que les évêques français proclament la paix de Dieu, puis la trêve de Dieu. En 1059-1060, en réaction à la prééminence croissante du pape Léon IX, il fonde à Paris une collégiale dédiée à saint Martin, à l'emplacement de l'ancienne basilique mérovingienne sur lequel se trouve actuellement le musée des arts et métiers.

                                                                                        Philippe 1er

Philippe Ier ne règne seul qu'à partir de 1066, car son oncle, le comte de Flandre Baudouin V, assisté de l’archevêque de Reims Gervais de Belleme ainsi que, dans un premier temps, d’Anne de Kiev, exerce la régence de la mort d’Henri Ier, en 1060, jusqu’à 1067. Il sera couronné plusieurs fois dans son règne, par exemple le 25 décembre 1071, par l’évêque Élinand, en la cathédrale Notre-Dame de Laon, comme le voulait la coutume de son temps.

Règne de Philippe 1er

Sous son règne se dessinent les grandes lignes de la politique des souverains capétiens du xiie siècle : assurer une base réelle à la puissance royale en consolidant le domaine, et abaisser ou contenir les trop puissants vassaux, chose que son père avait échoué à appliquer, provoquant une forte diminution du prestige et du pouvoir royal.

Agrandissement du domaine royal

Pour agrandir le domaine royal, il s’empare d’une partie du Vermandois, du Gâtinais (1069), du Vexin français (1077). En 1101, il rachète pour une forte somme (60 000 sols d’or) la vicomté de Bourges et la seigneurie de Dun-le-Roi à Eudes Arpin7, un chevalier qui part à la croisade. Il développe l’administration royale et, pour assurer des revenus à la couronne, dispose des biens de l’Église et vend les charges ecclésiastiques, ce qui lui attire les foudres des réformateurs grégoriens.

En 1071, il soutient Richilde de Hainaut, veuve du comte Baudouin VI de Flandre, et ses fils Arnoul III et Baudouin II contre leur beau-frère et oncle, Robert le Frison. Philippe est défait à la bataille de Cassel en février mais parvient à prendre Saint-Omer en mars. Arnoul III étant mort au cours de la bataille, il conclut la paix avec Robert qu'il reconnaît comme comte de Flandre et dont il épouse la belle-fille, Berthe.

Lutte contre le duc de Normandie

                                                                                   Guillaume le conquerant

                                                                                                      Guillaume le Conquérant, duc de Normandie

Mais pendant la plus grande partie de son règne, Philippe Ier lutte pour réduire la puissance de son vassal le plus redoutable, Guillaume le Conquérantduc de Normandie devenu roi d’Angleterre en 1066. Philippe trouve l’appui de Foulques IV le Réchincomte d’Anjou, et de Robert le Frisoncomte de Flandre, qui se sentent aussi menacés par ce trop puissant voisin. Afin de consolider son alliance avec la Flandre, il épouse Berthe de Hollande (v. 1055 – † 1094), fille de Florent Iercomte de Hollande, et de Gertrude de Saxe.

En 1076, Philippe inflige une grave défaite à Guillaume près de Dol-de-Bretagne. L’année suivante, fort de sa victoire, Philippe Ier s’empare du Vexin français, possession de Simon de Vexin (fils de Raoul de Crépy, beau-père de Philippe Iernote 1), qui se fait moine, avec les châtellenies de Mantes et de PontoiseGuillaume le Conquérant renonce à la Bretagne et fait la paix avec Philippe Ier. Ce dernier reste toutefois inquiet de la menace anglo-normande. Selon une politique qui sera reprise par ses successeurs, il va s’efforcer de développer les dissensions à l’intérieur de la famille du Conquérant.

En 1078, il prend parti pour Robert Courteheuse ou Courtecuisse, le fils aîné de Guillaume, qui s'est révolté contre son père. Après avoir confié la garde du château de Gerberoy, à côté de Beauvais, à Robert, il semble que Philippe Ier se soit retourné contre ce dernier. On le retrouve en 1079, en train d'assiéger le château en compagnie de Guillaume qui est blessé au cours du siège. Peu après, Robert Courteheuse obtient le gouvernement de la Normandie. Le roi capétien reçoit en récompense la ville de Gisors située sur la rive droite de l’Epte.

Échec contre les vassaux rebelles

En février 1079, alors que le roi hiverne à Étampes, éclate une rébellion de ses vassaux directs, menée par Hugues Blavons, seigneur du Puiset. Au printemps l’armée royale est écrasée près du Puiset. L'autorité royale sort durablement affaiblie par cette perte de prestige.

Dans les années qui suivent la mort de Guillaume le Conquérant (1087), Philippe aide Robert Courteheuse qui essaie de récupérer le trône d’Angleterre dont son frère, Guillaume II le Roux, a hérité. Ce dernier tente, en représailles, de lui prendre le Vexin dans les années 10971099, mais échoue au cours de trois campagnes successives.

Frappé d'anathèmes

                                                                                        Bertrade de montfort

                                                                                 Bertrade de Montfort, fille de Simon 1er de Montfort

Au printemps 1092, Philippe s’entiche de Bertrade de Montfort († 1117), l’épouse de Foulques IV le Réchin. Il répudie alors Berthe de Hollande et se remarie avec Bertrade de Montfort le 27 mai 1092. Le 16 octobre 1094, le concile d’Autun où sont réunis trente-deux évêques prononce l’excommunication du roi. Le couple royal vécut ainsi pendant 10 ans jusqu'en 1104 sous le coup des anathèmes de l'Église. Philippe et Bertrade se soumettent lors du concile de Paris en 1104 mais malgré leur serment ils poursuivent leur vie commune. Son excommunication s'accompagne, selon Guibert, d'une perte du don du toucher des écrouelles.

Venu en France pour répandre la réforme grégorienne et excommunier le roi à nouveau, le pape Urbain II prêche la première croisade au concile de Clermont le 27 novembre 1095. Frappé d’anathème, le roi ne participe pas à la croisade dont Hugues de Vermandois, son frère, est l’un des principaux acteurs, avec Raimond IV de Toulouse et surtout Godefroy de Bouillon.

Réconciliation avec la papauté

Philippe laisse le soin des opérations militaires dans le Vexin à son fils Louis VI qu’il a associé à la couronne en 1098.

Après une controverse au sujet du dépositaire de l’évêché de Beauvais, entre 1100 et 1104, Philippe se réconcilie avec la papauté et est absous en 1104. En 1107, le pape Pascal II se rend en France où il rencontre Philippe et le futur Louis VI à Saint-Denis. L’alliance entre le royaume de France et la papauté contre l’Empire est alors définitivement scellée pour un siècle.

  

                                                                        

Le roi Philippe Ier et le pape Pascal II représentés dans une enluminure des Grandes Chroniques de France de Charles V

Accession au trône de Louis VI

                                                                               

                                                         Le couronnement de Louis VI à OrléansGrandes Chroniques de France enluminées par Jean Fouquet, vers 1455-1460. Paris,

Le 29 juillet 1108, son père, Philippe Ier, meurt à Melun et, suivant sa dernière volonté, est inhumé en l'église abbatiale de Saint-Benoît-sur-Loire. L'inhumation terminée, Louis, se doutant que son demi-frère, Philippe de Montlhéry, souhaite l'empêcher d'accéder à Reims, se hâte de rejoindre Orléans située à quelques kilomètres de Saint-Benoît-sur-Loire afin de se faire sacrer au plus vite. Une raison supplémentaire pour ne pas se rendre à Reims était que l'archevêque de Reims d'alors, Raoul le Vert, avait été soutenu par le pape Pascal II mais n'avait pas été reconnu par son père, qui lui préférait Gervais de Rethel7.

Le sacre a lieu le 3 août 1108 dans la cathédrale Sainte-Croix d'Orléans, il reçoit « l’onction très sainte » de la main de Daimbert, l’archevêque de Sens. Raoul le Vert envoya des messagers pour contester la validité du sacre, mais il était trop tard.

Règne

Louis VI encourage les mouvements communaux, associations professionnelles sociales ou religieuses. Dès 1110, il octroie aux habitants des villes divers avantages fiscaux et le droit de s'administrer sous la direction d'un maire. Il lutte pendant plus de trente ans (1101-1135) contre le brigandage perpétré par certains seigneurs du nord du domaine royal, tels que Hugues du Puiset (1118), les seigneurs de Montmorency et de Beaumont (1101-1102) et Ebles II de Roucy. Il intervient aussi au sud de la Seine contre Gui le Rouge et son fils Hugues de Crécy de la famille de Montlhéry assurant aux capétiens la liberté de circuler entre ParisOrléans et Melun.

En 1108, il se rend à Saint-Julien-du-Sault et à l'abbaye des Écharlis près de Villefranche afin d'y prendre les eaux minérales de la source et fait de nombreuses donations à l'abbaye. En 1108-1109 il intervient à Germigny-l'Exempt, fief situé en dehors du domaine royal, à la limite de la vicomté de Bourges acquise par son père en 1101, contre Aymon II Vaire-Vache seigneur de Bourbon qui avait spolié son neveu Archambaud VI le Pupille.

Selon Orderic Vital, en mars 1113 lors de l'entrevue de l'Ormeteau-Ferré entre Louis VI le Gros et Henri Ier Beauclerc, le roi de France concède à son homologue « toute la Bretagne » c'est-à-dire la vassalité directe de la Bretagne. Alain Fergent princeps des Bretons devient « l'homme lige du roi des Anglais ». Conan le fils d'Alain Fergent est alors fiancé avec Mathilde une des filles illégitimes d'Henri Ier. Précisons qu'Orderic Vital est dans la mouvance du Roi d'Angleterre, ce qui rend son témoignage improbable. En effet, en 1124, face à la menace de l'Empereur germanique Henri V, Conan III de Bretagne répondra à l'appel à l'ost de Louis VI le batailleur.

Le dimanche des Rameaux 1115, il est présent à Amiens, pour soutenir l'évêque et les habitants de cette ville dans leur conflit contre Thomas de Marle, lequel est intervenu militairement à la demande de son père Enguerrand de Bovescomte d'Amiens et seigneur de Coucy. Ce dernier refuse de reconnaître l'octroi d'une charte accordant des privilèges aux habitants de la commune. Arrivé avec une armée pour aider les bourgeois à faire le siège du Castillon (forteresse dominant la ville d'Amiens, à partir de laquelle le père et le fils partaient en « expéditions punitives »), Louis VI reçoit une flèche dans son haubert, puis part sans vaincre les assiégés réfugiés dans la tour réputée imprenable qui ne tombe que deux années plus tard.

                                                     

                                       Siège de Clermont par les troupes françaises de Louis VI, ce dernier reçoit l'hommage de l'évêque AimericChroniques de Saint-DenisBritish Library.

Le 20 août 1119, se déroule la bataille de Brémule entre les rois d'Angleterre, Henri Ier Beauclerc, et de France, Louis VI. Résultat d'une rencontre fortuite, la bataille se termine par une défaite du Roi de France. Cependant, Louis VI est contraint de fuir se réfugiant aux Andelys.

Louis VI intervient ensuite en Auvergne en 1122 pour soutenir Aimericévêque de Clermont, contre le comte Guillaume VI d'Auvergne. L'armée du roi et de ses vassaux prend Pont-du-Château sur l'Allier et oblige l'armée du comte à abandonner la cité épiscopale. Le roi doit revenir en 1126 et incendie Montferrand malgré l'intervention de Guillaume IX d'Aquitaine. Cette manifestation de l'autorité royale aussi loin dans le sud du royaume a un grand retentissement.

C'est dans ce contexte qu'en août 1124, l’empereur germanique Henri V du Saint-Empire voulant aider son beau-père Henri Ier d'Angleterre dans le conflit qui l'oppose à Louis VI pour la succession dans le duché de Normandie, envahit la France et avance avec une puissante armée jusqu'à Reims. Face à la menace germanique et pour la première fois en France, Louis VI fait appel à l’ost. Ses vassaux se rendent à sa convocation : son cousin, le comte de Vermandois Raoul « le Borgne », le duc Hugues II de Bourgogne, le duc Guillaume IX d'Aquitaine, le comte Charles Ier de Flandre, le duc Conan III de Bretagne, le comte Foulque V d'Anjou, le comte de Champagne Hugues de Troyes, le comte Guillaume II de Nevers et le comte de BloisThibaut IV. Après avoir été chercher l'oriflamme à Saint-Denis, Louis VI se retrouve à la tête d’une immense armée mais l’affrontement, que tout le monde pensait pourtant inévitable, ne se fait pas. Henri V, certainement impressionné par une telle mobilisation et prétextant des troubles dans sa capitale de Worms, se retire sur Metz le 14 août sans combattre.

L'assassinat du comte Charles Ier de Flandre en 1127 donne encore au roi l'occasion d'intervenir dans ce grand fief. Appelé pour punir les meurtriers, il organise l'élection d'un nouveau comte à Arras. Après avoir écarté plusieurs prétendants, il impose Guillaume Cliton, le fils de Robert Courte-Heuse, qui résidait à sa cour et à qui il avait fait épouser la sœur de la reine Adelaïde. L'élection est confirmée par les bourgeois de GandBrugesLilleSaint-Omer, qui profitent toutefois des circonstances pour obtenir des franchises. En 1129, après la mort de Guillaume Cliton dans un combat contre ses vassaux révoltés, il intervient encore et intronise son concurrent Thierry d'Alsace comme comte de Flandre.

Succession

La succession était destinée à son fils Philippe, couronné roi associé le 14 avril 1129, mais la mort accidentelle de ce dernier en 1131 amène le cadet, Louis le Jeune, destiné à une carrière ecclésiastique et non éduqué à la fonction royale, à devenir l'héritier. Il est donc couronné roi associé à son tour le 25 octobre 1131 et à partir de 1135 Louis VI règne désormais sans gouverner.

En mai 1137, la paix est conclue avec Étienne de Blois, roi d'Angleterre, et le roi reçoit l'hommage d'Eustache fils de ce dernier, pour la Normandie. Louis VI avait noué des rapports amicaux avec Guillaume X d'Aquitaine, duc d'Aquitaine ; celui-ci avant de mourir, donne sa fille et héritière Aliénor au fils aîné du roi et lui confie sa terre, recevant ses envoyés début juin 1137, permettant par là à la dynastie capétienne de reprendre de l'influence dans la France méridionale, par le contrôle de cet immense fief.

Mort de Louis VI

Alors qu'il rentre d'une expédition punitive contre le seigneur pillard de Saint-Brisson-sur-Loire, près de Gien, Louis le Gros tombe soudainement malade au château de Béthisy-Saint-Pierre situé dans la vallée de l'Automne, en forêt de Compiègne, entre Senlis et Compiègne. Louis VI, qui est devenu semi-impotent à l'approche de la cinquantaine et a dû renoncer aux plaisirs de la guerre et de la table, meurt le 1er août 1137 des suites d'une dysenterie, fréquente lorsque les conditions sanitaires sont insuffisantes, en particulier lorsque les aliments et l'eau ne sont pas propres. Il est inhumé en l'église de l'abbaye royale de Saint-Denis. Son fils Louis, âgé de 17 ans et couronné depuis six ans, lui succède sans contestation.

Début du règne de Louis VII

                                                                   

                                                                                  Couronnement du roi Louis VII en 1137, enluminure du xive siècle.

Louis VII est sacré roi et couronné, à Reims, dans sa onzième année, le 25 octobre 1131, par le pape Innocent II. Son couronnement fait suite à la mort accidentelle de son frère aîné Philippe de France (1116-1131) (à ne pas confondre avec Philippe, son frère cadet du même prénom), le 14 octobre 1131 des suites d'une chute de cheval provoquée par un cochon errant. Louis, second fils de Louis VI « le Gros », n'était pas prédestiné à une carrière royale : son père le destinait à un sacerdoce ecclésiastique, voire monastique comme son frère cadet Henri. Cela explique aussi la piété austère et rigoureuse qu'il manifestera durant son règne. Son inexpérience et sa faible préparation à l'exercice du pouvoir sont probablement à l'origine de quelques désastreuses décisions politiques malgré les conseils de l'abbé Suger.

Avant de mourir, son père avait organisé son mariage avec Aliénor d'Aquitaine (1122-1204), fille de Guillaume X d'Aquitaine, duc d’Aquitaine, et d’Aénor de Châtellerault. La cérémonie eut lieu à Bordeaux, le 25 juillet 1137. Louis fut ensuite couronné duc d'Aquitaine, à Poitiers le 8 août 1137. Ce mariage va tripler de taille le domaine royal, car la jeune mariée apporte en dot la Guyenne, la Gascogne, le Poitou, le Limousin, l’Angoumois, la Saintonge et le Périgord, c’est-à-dire une partie du Midi et de l’Ouest de la France, qui couvrent aujourd'hui 19 départements. Une spécification avait été faite lors du mariage, le duché aquitain ne serait pas absorbé dans le domaine royal : l'union devrait rester purement personnelle, le duché ne revenant à la couronne qu'à la génération suivante.

Le caractère du roi, dévot, ascétique (du fait de sa vocation monacale), naïf, maladroit et mou dans ses décisions, s’accorde mal avec celui d'Aliénor, fort et sensuel. Cependant les dix premières années se passent sans réelle mésentente, à part des différends entre la nouvelle reine et l'ancienne, Adélaïde de Savoie. Louis écarte alors sa mère de la cour, mais garde les conseillers de son père, dont l’abbé de Saint-Denis, Suger. Il poursuit la politique de son père, il met en valeur le domaine royal, rénove et transforme la basilique Saint-Denis. Conseillé habilement par Suger, il fait de multiples concessions aux communautés rurales, encourage les défrichements et favorise l’émancipation des serfs. Il prend appui sur les villes et leur accorde des chartes de bourgeoisie (ÉtampesBourges) ou les encouragent lorsqu'elles sont hors de son domaine (ReimsSensCompiègneAuxerre). Il soutient enfin l’élection d’évêques dévoués au pouvoir royal.

                                                                    Alienor d aquitaine

À cette époque, le jeune couple royal (ils ont tous deux moins de vingt ans) prend plusieurs décisions jugées inconsidérées. Certains n'hésitent pas à les mettre au crédit de la reine, dont l'influence sur le roi semble importante. Aussi, en 1138, le roi mate la tentative de création de la commune autonome de Poitiers, fief de la reine Aliénor, et n'hésite pas à prendre en otage les enfants des nobles de la cité, qui appelaient les bourgs et villes voisins à former une ligue. Il soumet le seigneur Guillaume de Lezay, qui avait refusé l'hommage. À la demande de la reine, l'abbé Suger est écarté du conseil, car il était intervenu pour faire renoncer le roi à sa prise d'otages, .

                                                                                        

                                                                                                     Vase de cristal d'Aliénor (Louvre).

La même année, Louis VII s’oppose au comte de Champagne, Thibaut IV de Blois, ainsi qu'au pape Innocent II sur l’investiture pour l’évêché de Langres, pour lequel il avait imposé un moine de Cluny contre un candidat soutenu par Bernard de Clairvaux5. Puis, en 1141 le roi intervient dans le Toulousain afin de faire valoir les droits de sa femme, duchesse d’Aquitaine, sur l'héritage de sa grand-mère, Philippa de Toulouse. Après un long siège de la ville, défendue par le comte Alphonse Jourdain, l'opération s'avère un échec. Pour autant, Aliénor remercie son roi, en lui offrant un vase de grande valeur, cadeau à son grand-père du roi taïfa de SaragosseImad al-Dawla. Taillé dans un bloc de cristal, monté sur pied d'or et orné de pierreries et de perles, ce vase est toujours visible au Louvre.

La même année, en 1141, Louis VII s’oppose de nouveau au pape et tente d’imposer son candidat au siège de Bourges, contre Pierre de La Châtre, soutenu par le pape Innocent II, si bien que celui-ci finit par l'excommunier alors que Pierre de La Châtre trouve refuge en Champagne. La reine arrange aussi la dissolution du mariage de Raoul de Vermandois, afin que sa sœur Pétronille d'Aquitaine, amoureuse, puisse l'épouser. Cela causera un grave conflit entre le royaume de France et le comte de ChampagneThibaut IV de Blois, frère de l'épouse délaissée. En décembre 1142, l'ost royal envahit la Champagne et lors de son avancée incendie le village de Vitry-en-Perthois et son église (en janvier 1143), dans laquelle s’étaient réfugiés les habitants. Cela marquera à jamais le jeune souverain.

Louis VII signe le traité de Vitry avec le comte de Champagne à l’automne 1143. Il accepte l’élection de Pierre de La Châtre pour lever l'interdit qui pèse sur le royaume. Le 22 avril 1144, il participe à la conférence de Saint-Denis pour solder définitivement le conflit avec la papauté.

La deuxième croisade

                                                              

                                                Louis VII et l'empereur Conrad III lors de la deuxième croisade. Enluminure du xive siècle, Bibliothèque nationale de France.

Pour sceller ses nouveaux accords avec la papauté et se repentir du massacre de Vitry « le brulé », il accepte de prendre part à la deuxième croisade prêchée par saint Bernard de Clairvaux. Durant la période de Noël 1145, Louis VII annonce qu'il partira porter secours aux États chrétiens de Palestine, menacés par les Turcs. Ces derniers ont envahi le comté d'Édesse où de nombreux chrétiens sont massacrés. Le pape Eugène III approuve la croisade et autorise le roi des Francs à prélever le décime, c'est-à-dire d'imposer les biens ecclésiastiques, normalement exclus de tout impôt, pour financer son expédition. À Pâques 1146, le roi prend la croix de même que de nombreux barons lors de l’assemblée de Vézelay.

Le 11 juin 1147, le roi Louis VII et Aliénor partent pour la deuxième croisade, à la tête de 300 chevaliers et d’une nombreuse armée, à laquelle se joignent progressivement des dizaines de milliers de pèlerins. Ils se mettent en marche à partir depuis Metz, ville impériale. Ils passent par la vallée du Danube, où ils retrouvent l’armée de l’empereur Conrad III. Ils prévoient de passer en Asie Mineure par Constantinople, où ils arrivent le 4 octobre 1147.

L’expédition est marquée par la discorde entre les clans français et germains, l’inexpérience de Louis VII qui se montre velléitaire, et le soutien douteux des Byzantins qui nuisent plus aux chrétiens qu’ils ne les aident. Trompé par ceux-ci, Louis VII est battu par les Turcs en Asie Mineure et connaît plusieurs revers en Syrie. Il rejoint à grand peine Antioche en mars 1148, alors aux mains de Raymond de Poitiers, oncle d’Aliénor. Raymond de Poitiers reçoit les croisés avec beaucoup d’égards, car il espère que Louis VII l’aidera à combattre l’ennemi qui l’avait dépouillé de certains de ses territoires. Mais le roi ne pense qu’à poursuivre son pèlerinage vers Jérusalem alors que la reine Aliénor tente en vain de le convaincre d’aider son oncle. Le roi prend conseil auprès du Templier eunuque Thierry de Galeran. Après coup, les chroniqueurs de l’époque se déchaînent et accusent la reine d’adultère : Guillaume de Tyr l’accuse même d’inceste avec son propre oncle.

Forçant Aliénor à le suivre, Louis VII quitte Antioche, gagne Jérusalem où il accomplit le pèlerinage qu’il s’était imposé, puis en juin 1148, il tente de prendre Damas, devant laquelle son armée est repoussée. Le couple royal séjourne encore une année en Terre sainte avant de revenir en France, s'embarquant sur deux navires différents. La flottille française est prise sur le trajet dans un combat entre les Normands de Sicile et les Byzantins. Les navires ayant été séparés pour une raison inconnue, le roi débarque en Calabre le 29 juillet 1149 tandis que la reine arrive à Palerme. Louis séjourne dans le royaume de Sicile où il attend trois semaines l'arrivée de la reine. Il rejoint ensuite Potenza, où durant trois jours, il est l'hôte du roi normand Roger II de Sicile. Sur le chemin du retour, à Tivoli, il tient une entrevue avec le pape Eugène III (9-10 octobre 1149)6 en vue de conciliations sur le mariage royal qui commençait à présenter quelques troubles.

                                                           

                                                                               Le roi Louis VII part en croisade.

La participation de Louis VII à la deuxième croisade sera lourdement préjudiciable à l’avenir du royaume, car l’expédition se solde par un échec marqué sur différents plans. D'abord sur le plan financier, car l'expédition appauvrit considérablement le trésor royal ; sur le plan politique, car le roi ne s’est pas occupé directement du royaume pendant deux années d’absence, et a donc relâché son emprise sur les grands féodaux ; sur le plan militaire, car la croisade est une succession d’échecs ; de plus, une partie de sa chevalerie et une grande armée ont été sacrifiées ; sur les plans dynastiques, patrimoniaux, territoriaux et stratégiques car la croisade provoque le début de la rupture du roi avec Aliénor. Le risque, en cas de séparation, est que la reine récupère les fiefs qu’elle avait apportés en dot, et ce, malgré la naissance de leur fille Marie de France (1145-11 mars 1198), née avant le départ en croisade.

La séparation de Louis VII et Aliénor

Malgré les conseils du pape Eugène III, rencontré lors d’une halte au Mont-Cassin, ou ceux de l’abbé Suger dès leur retour au royaume de France en novembre 1149, ou même en dépit de la naissance en 1150, de leur seconde fille, Alix de France (1150-1195), Louis VII et Aliénor ne réussissent pas vraiment à se réconcilier.

Après le décès de Suger en 1151, le second concile de Beaugency trouve finalement une faille pour prononcer l’annulation du mariage le 21 mars 1152 , au motif que l’arrière-grand-mère d’Aliénor, Audéarde de Bourgogne, était la petite-fille de Robert le Pieux, arrière-arrière-grand-père de Louis VI (cousinage au 9e degré civil, mais au 5e degré canonique7. Aliénor reprend sa dot, et moins de deux mois plus tard, le 18 mai 1152, épouse en secondes noces, le comte d’Anjou et duc de Normandie, Henri Plantagenêt. Aliénor est alors âgée de 30 ans, et le prétendant au trône d’Angleterre, de seulement 19 ans.

Par ce mariage, Aliénor apporte d’immenses territoires à un vassal déjà plus puissant que le roi. Le risque est alors d'offrir à la couronne d’Angleterre, un important territoire sur le continent face au royaume de France. Cela se produit au moment du couronnement, d'Henri Plantagenêt comme roi d’Angleterre en 1154. Le roi qui devient Henri II d'Angleterre règne désormais sur un territoire qui s’étend de l’Écosse aux Pyrénées, du fait du mariage avec Aliénor. Son royaume comprend l’Angleterre, l’Anjou, le Maine, la Normandie, l’Aquitaine et la Bretagne. L'erreur politique du divorce s'ajoute à la rivalité historique entre les rois de France et d'Angleterre, qui a débuté sous le règne de Henri Ier de France, pour se terminer au milieu du xiiie siècle. Beaucoup d'historiens médiévistes considèrent que la séparation est à l'origine d'une « première guerre de Cent Ans ».

Louis VII et ses successeurs n'auront alors de cesse de batailler sans relâche contre l'Angleterre et l'Empire Plantagenêt, pendant près de cent ans. Ils récupéreront finalement la plupart des territoires perdus lors du divorce de Louis VII avec Aliénor, et scelleront la paix avec l'Angleterre lors du traité de Paris de 1259.

L'ascension des Plantagenêt

                                                                         Enluminure d'un homme et et d'une femme couronnés assis.

                                                                                Henri II et Aliénor d'Aquitaine.

Vers 1150, Geoffroy d'Anjou, dit Plantagenêt, est alors un des principaux vassaux du roi des Francs. Fin stratège, il se marie avec Mathilde, petite-fille de Guillaume le Conquérant. À l'Anjou, il pourra alors revendiquer la Normandie et le trône d'Angleterre, si le roi Étienne de Blois venait à mourir sans descendance. Geoffroy conquiert progressivement la Normandie, mais il meurt en 1151, laissant derrière lui trois fils. L'aîné, Henri se marie avec Aliénor d'Aquitaine, après son divorce du roi de France, en 1152. Ce mariage lui ouvre alors un domaine plus grand que celui de son suzerain, domaine qui s'agrandit avec la mort d'Étienne, qui le désigne successeur à la couronne d'Angleterre, en 1153, lors du traité de Wallingford. Par ce traité, Henri est couronné roi d'Angleterre, en 1154.

Louis VII va alors tout faire pour affaiblir son puissant vassal, reprenant une stratégie qui avait fait merveille lors du règne de son grand-père Philippe Ier, il soutient les révoltes de Bretagne et du Poitou contre l’Angleterre, mais aussi celles des fils d'Henri II contre leur père dans lesquelles il est aidé :

par les manœuvres d'Henri II Plantagenêt qui pousse à la révolte ses grands vassaux ;

par le soutien du clergé au royaume de France, du fait de la piété de Louis VII et des liens historiques étroits entre l'épiscopat et la royauté capétienne ;

et par la révolte des fils d'Henri II qui exigent des apanages et trouvent refuge et protection auprès de Louis VII, appuyés également par leur mère, Aliénor d'Aquitaine.

Principaux événements de son règne

En 1158, Louis VII et Henri II Plantagenêt se réconcilient avec la promesse d’un mariage entre Marguerite de France et Henri le Jeune. Apaisement de courte durée, car dès mars 1159, Henri II s’en prend au comté de Toulouse. Mais durant l’été, Louis VII contraint le roi d’Angleterre à lever le siège de la ville. En 1160, Louis VII épouse en troisièmes noces, Adèle de Champagne, consolidant ainsi son alliance avec la Flandre et le comte de Champagne, et renforçant aussi son influence tournée contre Henri II Plantagenêt. Lors de l'année 1163, Henri II rend à nouveau hommage à Louis VII, pour la Normandie au nom de son fils Henri le Jeune. Louis VII fait alliance avec les comtes de Flandre et de Champagne. À la même époque, on pose la première pierre de la cathédrale Notre-Dame de Paris, sous les honneurs du pape Alexandre III. Louis VII offre la somme de deux cents livres pour la construction de l'édifice, dirigée par Maurice de Sullyévêque de Paris.

Lors du conflit qui oppose Henri II Plantagenêt à Thomas Becket, l’archevêque de Cantorbéry, Louis VII offre sa protection à l'archevêque et conseiller du roi d'Angleterre. Cela n'empêche pas son assassinat par quatre chevaliers fidèles à Henri II.

Louis VII fait, entretemps, bâtir les fortifications de Villa franca devenue Villa nova regis (Villeneuve-sur-Yonne) qui devait servir de bastion avancé à plusieurs provinces, et devint une des huit résidences royales, à qui il donne les privilèges de Lorris pour qu'elle s'accroisse rapidement.

                                                                                           

                                                                                          Le tombeau de Louis VII dans l'abbaye de Barbeau.

Le 21 août 1165, naît Philippe Auguste, unique héritier mâle de Louis VII. Le 30 septembre 1174, le traité de mariage d’Adèle avec Richard Cœur de Lion est signé.

En 1172 et 1173, Louis VII pousse Henri et Richard, les enfants d’Henri II Plantagenêt, à entrer en conflit avec leur père. Fin 1173, Louis VII et Henri II concluent à Caen une trêve provisoire et réaffirment au printemps 1174 l’intention de marier leurs enfants Adèle et Richard.

En 1177, le pape impose à Henri II la conclusion du traité d'Ivry, signé le 21 septembre, et par lequel les deux rois se jurent amitié ; traité suivi, le 22 juin 1180, par la signature d’un pacte de non-agression, le Traité de Gisors. Il marque la fin de cette série de guerres continuelles entre la France et l’Angleterre.

Le 1er novembre 1179, Louis VII fait sacrer son fils Philippe Auguste. Épuisé par la maladie, il lui abandonne le pouvoir l’année d’après, le 28 juin 1180.