POIGNY dans le domaine royal de SAINT LEGER au 13ème

Bien que cette partie de la forêt des Yvelines ait été accordée à l’abbaye de Saint Denis, les Carolingiens avaient gardé une certaine souveraineté sur les lieux dont Saint Léger semble le centre. Les premiers Capétiens héritiers de leurs prédécesseurs continuent les dotations et concessions aux églises et monastères, ainsi que l’attribution de fiefs à leurs vassaux en récompense de leurs services. Cependant, dès son accession au trône, Hugues Capet,  renonçant à son titre d’abbé des grandes abbayes dotées par les rois, conserve pour lui-même l’usage des Yvelines, merveilleux terrain de chasse grâce à la présence de gros animaux: cerfs et chevreuils, sangliers et aurochs.

                                                                                                Aurochs

Figure 1: reconstitution d'un aurochs

Aucune protestation des abbés de Saint Denis, frustrés de leurs prérogatives n‘étant intervenue, Hughes Capet , à moins que ce ne soit plutôt son ?ls, Robert II le Pieux, décide de faire construire à Saint Léger, au sommet de la colline, un château fortifié, permettant une défense facile face à de puissantes murailles surplombant la vallée. Saint Léger devient ainsi le chef-lieu d’un considérable domaine royal limité par les châtellenies voisines de Gambais, Chevreuse, Maurepas Montfort, Epernon, et Rochefort.

                                                                                                                   Chateau de meung

Figure 2: exemple d'architecture capétienne: le chateau de Meung sur Loire

La châtellenie royale s’étend alors, outre sur celle de Saint-Léger sur les paroisses des Bréviaires, des Auffargis, du Perray, des Essarts, de  Vielle- Eglise, de Rambouillet en partie, de Gazeran, La Boissière. Mittainville et Poigny, ainsi que sur Méré, Galluis,  Grosrouvre et Bazoches, appartenant maintenant au canton de Montfort. Poigny fait donc partie de cette châtellenie royale, ce qui explique que, par la suite, on parlera, dans certains actes de Poigny les Saint Léger. C’est à la châtellenie royale que sont attribués le cens, les amendes et les droits seigneuriaux versés à la prévôté. Quant aux Pugnéens, ils sont soumis aux juges et sergents royaux, surtout en ce qui concerne les délits forestiers. D’ailleurs, dès le successeur immédiat d’Hugues Capet, Robert le Pieux, qui est à l’origine de l’église de Saint Léger, construite sans doute vers 1026, d’après la vie de ce roi dans le «Recueil des historiens de France» et terminée, semble-t-il à sa mort en 1031.

                                                                                                                                    Eglise de saint leger

Figure 3: l'église de Saint Léger

La garde du château royal est confiée à un gruyer, c’est à dire un grand officier de la forêt, avec le titre de châtelain héréditaire chargé de faire respecter les règlements forestier. Il s’agit de Guillaume de Hainaut, ami du roi auquel succèderont pendant plusieurs siècles, les Comtes de Montfort.

                                                                                                                                                                  Blason montfort hainaut

       Figure 4: blason de la maison de Hainaut Montfort

Les rois successifs font de longs séjours à Saint-Léger et de nombreuses chartes ainsi que des documents datés et signés l’attestent. C’est probablement cours d‘un de ses séjours à Saint Léger que Louis VII, qui avait accordé différentes chartes aux abbayes de Coulombs, près de Nogent le roi, le 22 juillet 1139 et de Saint Denis en aout 1150 en confirmation des dons fait par les seigneurs des environs ainsi qu’une donation aux chanoines de Clairefontaine et à l'abbaye de Saint-Rémy des Landes en 1177, après avoir procédé à la fondation du prieuré de Louye, près de Dourdan, en 1163, permit aux Grandmontains de s'établir dans la vallée de la Guesle, près de Poigny, vers 1176, dans cette forêt d'Yveline dont il avait la libre disposition.

                                                                                               Abbaye de louye

Figure 5:  l'abbaye de Louye à Dourdan

Cependant, sur le plan administratif, Poigny continue à dépendre, comme par  le passé  du domaine royal.

Quant à l'église paroissiale, elle relève comme de nombreuses autres régions de l'abbaye de Saint-Magloire de Paris, à laquelle Hughes Capet l'aurait conférée en bénéfice et qui obtient, en 1158, confirmation de cette donation par le pape Adrien IV, énumérant les possessions de l'abbaye parisienne, dont treize églises du diocèse de Chartres parmi lesquelles nous trouvons celle de Saint Pierre de Poigny avec ses appartenances : «Ecclesiam Sancti Petri de Pugneis cum pertinentis  suis», d'après le Gallia Christiana, tome VII. Même si ce ne fut pas Hugues Capet qui la fonda, ce fut un de ses successeurs immédiats. On peut en dater la première construction de la fin du Xème siècle ou peut-être du XIème. Etait-elle alors sur l'emplacement de l'édifice actuel? Reste-t-il des vestiges de la première construction? Nous ne pouvons rien affirmer, mais l'existence de trois petites fenêtres en plein cintre peut laisser penser qu'à l'origine, il s'agissait d'une église romane qui fut construite par la suite.

                                                                    Eglise st pierre

Figure 6: Saint Pierre à Poigny

A l'avènement de Philippe Auguste en 1180, Poigny est toujours soumis à l'autorité royale, comme faisant partie du domaine. Mais, en  1204 lorsque qu’Amicie de Beaumont, veuve de Simon IV de Montfort échange  la châtellenie de Saint-Léger contre le château de Breteuil et tout ce que son frère, le Comte de Leicester , possède en France, Poigny, bien qu'enclavé dans le Comté de Montfort, retombe dans le giron royal. Poigny devient  une Seigneurie indépendante, relevant directement du roi, à cause de la vicomté de Paris, seigneurie qui va se développer parallèlement au monastère des Moulineaux fondé vingt ans plus tôt sous le règne de son père Louis VII. Cependant, d'après des documents postérieurs, la charge de gruyer  reste aux Comtes de Montfort qui revendiquent toujours leurs droits sur la forêt à l'époque où Poigny sera devenu la propriété des d'Angennes, châtelains de Rambouillet. Quant à  cette partie de la forêt d'Yveline, à partir de l'échange elle prend le nom de forêt de Saint Léger au lieu de forêt de Montfort.

UNE ENQUETE SUR LES DROITS DES GRUYERS

Un curieux document de 1160 qui fait référence à Poigny détaille les « Coutumes de l'Yveline» en matière de gruerie. Prescrit  à la fois aux chevaliers et sergents royaux appartenant au domaine de Saint Léger, d'une part, et d'autre part aux chevaliers et sergents du seigneur de Montfort, l'accord sur les coutumes donne de nombreux renseignements sur Poigny, alors qu'aucun Pugnéen ne semble avoir été présent à sa promulgation. Manuscrit latin dans le Registre de Philippe-Auguste, il date de 1160, donc est antérieur à l'avènement de ce roi qui a dû en faire l'application et l'utiliser, peut-être, au moment de ses transactions avec le Comte de Montfort.  Voici des extraits de ce règlement en ce qui concerne Poigny, car il fera jurisprudence en droit forestier au cours des siècles suivants : «Le Seigneur de Montfort est gruyer du Roi, notre Sire, dans la forêt Yveline où il a telles coutumes : un fabricant de cercles et son aide pour l'usage de ses celliers, sans pouvoir ni vendre, ni donner: un cendrier et son aide pour le bois mort et l'herbe, ce cendrier a aussi le bois vert pour faire son « recoctum», un écuellier pour son usage. Les âniers et les charbonniers de Poigny doivent enlever pour lui le bois mort du défends des Moulineaux, et dans le village, la paille pour ses chiens, sans causer de dégâts. Un charron et son compagnon pour son usage sans pouvoir rien vendre, un bucheron pour le bois mort dans les défends, qui ne pourra faire ni bardeau ni latte, l'herbe et son usage dans les défends et en dehors pour les besoins de ses maisons sans pouvoir rien vendre. Il a aussi en forêt le droit de chasse avec sa meute et tout autre moyen, sauf à la haie.... Le seigneur de Montfort à la garde du passage du roi, pour laquelle il reçoit cent livres, si on le trouve à Rambouillet ou à Poigny, sinon il ne les a pas. Si du sang est répandu dans la forêt, la justice en appartient au Seigneur de Montfort auquel appartiennent également toutes les choses trouvées dans la forêt, de quelques natures qu'elles soient. Aucun autre que les sergents du seigneur de Montfort ne peut recevoir les forfaitures dans l'étendue de la coutume, mais en dehors, elles appartiennent au roi. Si le seigneur de Montfort ou ses gens trouvent des porcs dans les défends, ils doivent les garder pendant un jour et non les tuer, mais en recevoir l'amende si elle leur échoit. Le seigneur de Montfort, en tant que panage ne sera pas payé, ne pourra laisser entrer dans les défends autres porcs que les siens... Si les archers du roi surprenaient un délit dans la forêt Yveline, ils pourraient amener le nantissement à Saint-Léger et non ailleurs; et pour en percevoir une amende de cinq sols plus...».

De  tout ce qui est dit ci-dessus, le seigneur de Montfort est homme-lige du roi, ainsi que pour ses autres fiefs. En cas de forfait,  il doit l'amende au roi».

 L'intérêt de ce document est la place faite nommément à Poigny alors que les autres paroisses sont englobées dans l'ensemble, les règlements spéciaux s’appliquant au monastère des Moulineaux et qui résulte sans doute du fait que le roi et les seigneurs de Montfort en ont été les fondateurs et  bienfaiteurs. Pourtant la date de 1160 est antérieure à l’arrivée des Grandmontains à Poigny. Est-ce alors une précision due à Philippe Auguste sur un acte antérieur plus général, repris et mis à jour, ou le partage des responsabilités est plus marqué entre les membres des justices royales et seigneuriales ?  Il nous fait connaître aussi le personnel du seigneur en cette matière : un gruyer à cheval avec un garçon pour garder le cheval et un gruyer à pied, œuvrant dans toute la forêt des Yvelines y compris dans la châtellenie royale de Saint Léger.

Qu’en sera –t-il pour Poigny, quand quelques années plus tard, il sera démembré de la châtellenie de Saint Léger et érigé en seigneurie, dépendant directement du roi ? C’est ce que nous verrons en étudiant le cartulaire des Moulineaux et la seigneurie de Poigny démembrée de Saint Léger.

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